Article d’origine : https://www.apdi-villefranche.com/hypnose-apnee-preparation-mentale-performance/
Nous avons déjà pas mal évoqué, dans les articles précédents, des techniques de préparation mentale pour l’apnée : un peu de Pranayama ici, quelques grammes de pleine conscience là, un point sur la cohérence cardiaque, la méthode slave de déconcentration de l’attention ; on avait également évoqué Wim Hof et la méthode de relaxation progressive de Jacobson, plutôt musculaire.
Pour les apnéistes facebookiens, vous avez dû voir passer, pendant le confinement, un post très intéressant de la Commission Régionale Apnée Ile-de-France qui, en collaboration avec Bertrand ABAUT, a proposé deux conférences successives exclusivement axées sur l’hypnose et l’apnée. La première conférence, d’une bonne heure et demie, apportait un ensemble de connaissances sur le sujet tandis que, pendant la seconde, Bertrand nous a fait partir en transe (carrément quoi !) et c’était génial.
Je l’annonce tout de suite : dans cet article, aucun exercice, mais le contact personnel de Bertrand, si vous souhaitez apprendre à lier votre pratique de l’apnée avec l’hypnose (et si vous souhaitez nous en parler en commentaires, n’hésitez pas).
But who is Bertand ?
Bertrand ABAUT est Maître praticien en Hypnose Ericksonienne, Hypnose Humaniste et Programmation Neuro Linguistique (PNL). Il est également préparateur mental des compétiteurs du club de plongée et d’apnée de Boulogne, où il est, lui-même, apnéiste. Il a eu la gentillesse de nous accorder du temps pour répondre aux questions que l’on se pose (et nos lecteurs aussi !) sur l’optimisation des performances en apnée grâce à l’hypnose et sur le déroulé d’une séance d’hypnose.
Avant de vous restituer texto l’interview qu’il nous a accordé, je glisse un petit point générique sur l’hypnose. Quand même !
Hypnose et autohypnose
L’hypnose est un état amplifié de la conscience, auquel on accède naturellement dans nos moments de rêveries. C’est une pratique proche de la méditation. Ainsi, on ne peut pas forcer une personne à entrer dans cet état mais on peut la guider (hypnose) ou lui apprendre à le faire (autohypnose).
L’hypnose n’a pas pour but de nous endormir mais de nous réveiller à nous-mêmes. Elle a pour vocation de mieux comprendre le fonctionnement du cerveau et d’agir sur notre inconscient. On peut définir l’hypnose comme une sorte d’interface entre nos comportements conscients (la pensée) et nos processus inconscients (les émotions).
Nous possédons trois cerveaux :
- Le cerveau rationnel (pensée, logique). Il prend souvent le dessus sur les deux autres ;
- Le cerveau émotionnel (inconscient) ;
- Le cerveau instinctif (reflexes, conditionnements).
Notre cerveau réagit principalement à l’émotion. Le cerveau rationnel suscite peu d’émotions alors que l’inconscient – qui fonctionne de manière automatique – est guidé par les sensations fortes. Sous hypnose, nous entrons volontairement dans un état de rêverie, que nous amplifions et maitrisons, pour transmettre directement au cerveau les informations choisies. Pour cela, bien sûr – parler à l’inconscient – il faut un langage adapté. Ce langage n’emploie pas la négation et se compose de messages clairs, simples et courts.
Il n’y a pas de contre-indications à la pratique de l’autohypnose et celle-ci, en ayant le pouvoir d’agir sur les résistances, est facteur de changement et de développement personnel. En apprenant comment vous fonctionnez en interne, vous lèverez vos limites et déploierez votre potentiel.
Comment ça marche ?
1. Perception ordinaire
Nos pensées circulent entre perception ordinaire / restreinte (nous nous focalisons sur une action) et perception élargie (nous ressentons les choses sans chercher à agir ni analyser). Le passage entre les deux se fait en permanence, sans que nous nous en rendions compte, en transitant brièvement par un état intermédiaire : la confusion / dissociation.
2. Phase d’induction / dissociation
L’hypnose a pour but de nous faire quitter le registre des certitudes pour rejoindre celui des sensations perçues par tout le corps, dont le cerveau. Le thérapeute place le sujet en état de confusion / dissociation afin de brouiller ses repères habituels : c’est la phase d’induction. Elle génère uns restriction du champ perceptif, le corps est comme « en pause ».
3. Phase de perception élargie / suggestion
Une fois le registre du contrôle « endormi », nous accédons à cette perception élargie dans laquelle tous les sens sont en éveil et rien ne vient les censurer. Les suggestions vont alors être acceptées sans contrôle et transformées par le cerveau en sensations, mouvements, images.
L’utilisation de l’hypnose pour l’apnée
Gestion des émotions
Souvent (mais pas seulement) une émotion de peur primaire qui s’empare de l’apnéiste après la rupture physiologique. Si de nombreux exercices physiques peuvent décaler – jusqu’à un certain point – la survenue de cette rupture, l’acceptation des spasmes et de l’inconfort qui en découle peuvent être envisagés et adoucit avec l’hypnose.
Gestion du stress
Pour les apnéistes compétiteurs, qu’il s’agisse de la première compétition ou de la Xième, l’événement est source de stress. Ce qui change, c’est la façon de l’appréhender. Certains habitués ont des méthodes et des protocoles, d’autres non. L’expérience apporte des clés, dont l’hypnose fait partie pour beaucoup.
Indépendamment d’une compétition, une prise de performance au sein même de son club peut être source de stress, parce qu’on souhaite se dépasser. Ici aussi la préparation mentale au dépassement de soi est fondamentale et l’hypnose un atout.
Concentration
La concentration est fondamentale lors d’une performance sportive et particulièrement en apnée. Qui n’a jamais eu, lors de son apnée, cette seconde d’inattention qui amène à l’inévitable question intérieure (un dimanche matin d’hiver, en pleine performance de statique en compétition, après les premiers spasmes) : « Mais qu’est ce que je fous là ? »
Et c’est une bonne question 😉
L’hypnose peut aider à maintenir la concentration pendant une performance et, dans cette logique, à éviter le dialogue intérieur comme les pensées parasites. Pour qu’elle fonctionne pleinement, une partie du chemin, en amont, doit être parfaitement consciente et acceptée. L’apnéiste doit connaître ses réponses à ces questions :
- Quel est mon objectif précis ?
- Qu’est-ce qui va changer, chez moi, quand j’aurai atteint mon objectif ?
- Pourquoi je veux cet objectif ?
Mémoire
Et là je pense aux apnéistes qui ont fait des syncopes. Dans les premiers jours on est très fatigués, ensuite on a peur. Et, si on dépasse cette peur dans l’eau en voulant retourner à la distance de la syncope, on refera une syncope pendant plus ou moins 6 mois. C’est un mécanisme de défense du cerveau, pour préserver notre intégrité physique.
Pendant ces 6 mois, nous ne pourrons pas nous présenter en compétition ni nous entrainer pleinement dans l’eau. Il peut donc être intéressant de travailler avec l’hypnose sur la mémoire de cette syncope (même si l’apnéiste ne se souvient jamais avoir fait une syncope, c’est un black out), afin de ne pas rester sur une association d’idées type : cette distance = je ne peux pas.
Ce travail peut être extrêmement bénéfique lors de la reprise et même contribuer à donner à l’athlète une nouvelle confiance en lui.
Optimiser un geste athlétique
Notamment par des méthodes de visualisation dans un état d’hypnose.
Rencontre avec Bertrand Abaut
Bonjour Bertrand, merci du temps que tu nous accordes aujourd’hui. Pourrais-tu nous en dire un peu plus sur toi, ton parcours ?
Merci à vous pour cet échange. Je suis Hypnothérapeute et Coach en Développement Personnel. Je travaille à 80% en entreprise pour former et coacher des Cadres à la gestion de leurs Émotions, au Management, à la Communication interpersonnelle notamment. Les 20% restant sont dédiés au grand public pour toutes sortes de demandes : problèmes de couple, périodes de déprime, chocs affectifs, phobies, pathologies lourdes (cancer), réorientation professionnelles, changement de Vie, etc.
Coté parcours, j’ai été Manager pendant plus de quinze ans avant de devenir Maître Praticien en Programmation Neuro Linguistique (PNL). Trois ans plus tard, je passais mes diplômes de Maître Praticien en Hypnose Ericksonienne puis Hypnose Humaniste.
Coté sportif, j’ai été entraîneur professionnel en athlétisme (Brevet d’Etat) et j’ai donné des cours dans plusieurs autres sports depuis vingt ans (Kendo, Escrime Occidentale, self défense). A 43 ans, je lève le pied quand même.
Comment es-tu arrivé à l’apnée ?
Et bien justement après beaucoup de pratiques assez “percutantes” (self-défense notamment) pendant vingt ans, j’avais envie de me recentrer sur moi, mes sensations, mes ressentis et dans l’idéal lier tout cela à l’Hypnose. L’Apnée était le sport tout désigné. De plus, je suis de la génération Grand Bleu et une part de moi vibre toujours au souvenir de ce Rêve de gosse.
Pratiques-tu toi-même l’apnée ? Te sers-tu, personnellement, de l’hypnose en apnée ?
Je pratique très modestement : j’ai commencé en octobre 2019 au club des Scubabous de Boulogne-Billancourt. Je suis immodérément fier d’avoir passé mon niveau 1 en janvier 2020 (rires).
Oui, j’utilise l’Hypnose pour l’Apnée. Puisque nous sommes entre nous, je dois vous confier qu’ayant failli me noyer à l’âge de trois ans, il m’a été totalement impossible d’apprendre à nager jusqu’à l’âge de… quarante-deux ans. Quinze jours avant le début de la saison d’apnée, j’ai fait mon premier 25 mètres. J’ai passé ce blocage affectif grâce à l’Hypnose…
En arrivant en septembre 2019 je restais en statique tout juste 30 secondes sous l’eau et la, en mai 2020 je suis à 4 minutes 07 (à sec à cause du Confinement).
Vois-tu des liens évidents entre hypnose et apnée ?
Totalement ! Les Apnéistes font tous de l’Hypnose sans le savoir puisqu’ils modifient leur État de Conscience durant l’immersion, ils sont donc “en transe”. En Hypnose, nous avons une méthodologie précise, des protocoles et une approche très structurée visant à créer ces États de Conscience. Tout cela vient donc en complément de la pratique instinctive des Apnéistes.
Tu es préparateur mental dans un club d’apnée de région parisienne. Pourrais-tu nous en dire un peu plus sur ton travail avec les apnéistes pendant une compétition ? Comment cela se passe-t-il ?
Imaginons une ligne de temps : il y a avant, pendant et après la compétition. L’Hypnose intervient à chacune de ces étapes. Cependant, les sujets abordés sont différents en fonction de l’endroit où l’on se situe sur la ligne de temps. Cela peut par exemple être: Visualisation, Futurisation, Relaxation etc. En fonction des moments et des objectifs, les séances d’Hypnose se font à sec, par visio ou dans l’eau.
Que penses-tu que l’hypnose puisse apporter à un apnéiste qui souhaiterait développer ses performances et exploiter son potentiel ?
L’Hypnose va jouer à plusieurs niveaux. La Relaxation, la création d’un État modifié de conscience aidant à “tenir” en apnée statique ou dynamique, la visualisation d’un geste afin de l’améliorer (ondulation, protocole de sortie, départ en Apnée, virage…), la futurisation pour se projeter durant un événement (compétition, plongée en mer ou en piscine), le gain de souplesse et le relâchement corporel, la concentration, le travail sur la confiance en soi, sur la motivation… Autant de sujets sur lesquels l’Hypnose peut aider un Apnéiste. Pas mal, non ?
Par contre, il est essentiel de garder en tête que l’Hypnose n’est qu’une cerise sur le gâteau : RIEN ne se fera sans entraînement régulier en Apnée (et en Hypnose).
L’hypnose permet-elle d’oublier les spasmes voire d’oublier complètement l’inconfort lorsqu’on est dans le dur de l’apnée ?
Une pratique régulière de l’Hypnose permet de retarder l’arrivée des spasmes et parfois d’atténuer leurs “douleurs”. Cela permet de gagner de précieuses secondes pour un compétiteur. Par contre, cela ne dure pas éternellement et heureusement pour des raisons évidentes de sécurité.
Existe-t-il un type spécifique d’hypnose pour la performance en apnée ou cela est-il plutôt lié à l’individu ?
Il existe deux grands types d’Hypnose : l’Hypnose Ericksonienne (la plus pratiquée dans le Monde) et l’Hypnose Humaniste. Les deux peuvent être potentiellement utilisées en Apnée. C’est l’Apnéiste qui choisira entre ces deux approches en fonction de sa sensibilité, de sa personnalité.
Existe-t-il un risque de syncope à être en hypnose pendant une apnée ?
En Apnée, il y a des règles de sécurité à respecter. On ne s’entraîne jamais seul par exemple. De même on n’utilise pas l’Hypnose sans encadrement professionnel. Il faut être suivi au moins au début. Personnellement, je travaille en étroite collaboration avec l’entraîneur des compétiteurs du club de Boulogne-Billancourt. Utiliser l’Hypnose en Apnée c’est un travail d’Équipe. Effectivement, si vous sortez de ce cadre en faisant n’importe quoi, oui il y a un risque de syncope.
L’hypnose est-elle possible aussi bien en statique qu’en dynamique ?
Oui c’est possible, cependant pour beaucoup d’Apnéistes, l’Apnée statique est un terrain plus favorable, plus simple pour travailler en État de Conscience Modifié.
Pour qu’un compétiteur puisse disposer de ses propres clés pour faire appel à l’hypnose par lui-même, comment procèdes-tu pour le lui enseigner ? Combien de temps faut-il pour cerner son schéma mental et combien de temps faut-il à un individu pour acquérir des automatismes ?
Chaque accompagnement est différent car adapté à l’Apnéiste. Le schéma mental est rapide à cerner pour un professionnel, disons en une seule séance.
Pour apprendre l’auto-Hypnose à des fins de relaxation, je propose un cycle de 3 à 5 séances. Attention, car avec cela l’Apnéiste sera capable de s’entraîner seul mais il lui faudra bosser de son côté. Idéalement, il faut qu’il fasse entre une à trois séances d’auto-Hypnose par semaine afin d’apprendre à partir rapidement en transe.
Comme toujours “le Temps se venge toujours des choses que l’on fait sans Lui…” : si vous voulez impacter favorablement vos performances, je recommande 10 à 12 mois d’entraînement, bien que les personnes que je suis témoignent d’une amélioration au bout de quelques semaines seulement.
En cas de besoins ciblés (dépasser un blocage émotionnel, corriger un mouvement technique), cela nécessite un travail spécifique avec moi.
As-tu des conseils à donner à nos lecteurs, qui souhaitent progresser en apnée sans forcément être compétiteurs ?
Je suis avec le même Plaisir des Apnéistes débutants loisir que des compétiteurs, du coup, je leurs tiens le même discours : au début travaillez avec un professionnel (sur quelques séances) puis bossez de votre côté. Si vous voulez juste améliorer votre relaxation, votre détente, écouter les MP3 d’Olivier LOCKERT (le créateur de l’Hypnose Humaniste) et de Patricia d’ANGELI sur le Net : c’est gratuit et TRES TRES bien fait (bon ok étant un élève direct d’Olivier je ne suis pas totalement objectif peut être…).
Nos lecteurs peuvent-ils te contacter s’ils sont intéressés par tes compétences, une consultation voire un suivi avec toi ?
Oui avec Plaisir ! Vous pouvez me joindre par mail idéalement : bertrand.hypnos@gmail.com (oui oui sans “e” à la fin de hypnos). Sinon vous trouverez sur mes comptes LinkedIn et Facebook, des articles que j’ai écrit et qui sont plus orientés Développement Personnel / Coaching ou pour les professionnels (techniques de recrutement / management).
Merci Bertrand pour ton temps et cette interview passionnante.